Sarah Slean

Sarah Slean est de l’étoffe dont on fait les fortes personnalités: Fiona Apple, Tori Amos, Björk. Mais naturellement, sans esbroufe. Plutôt du genre à porter des baskets avec une somptueuse robe de soirée en taffetas rouge, et à ne pas faire tout un plat de ses talents pianistiques, pourtant réellement bluffants. Ni de sa manie de peindre des paysages et des personnages bizarres - anges terrassés par des flèches, jeune fille nue et en pleurs sur une plage - qui se retrouvent immanquablement sur ses pochettes. Qui mieux que l’artiste elle-même peut exprimer ses tourments intérieurs?

A Toronto, où elle est une des figures incontournables de la scène indé, tout le monde aime et respecte le caractère fantasque de cette chanteuse hors normes et sa musique si personnelle: des chansons-confessions mélodiques interprétées sur des rythmes plutôt enlevés et un ton espiègle qui rendent la vie plus légère et plus colorée. Pourtant, la gracieuse Sarah Slean a, elle aussi, ses hauts et ses bas.

A l’été 2003, elle a même vu disparaître en fumée la totalité de ses possessions dans l’incendie de sa maison. Et pourtant, c’est peut-être à ce moment précis, en contemplant les flammes ravager son intérieur douillet, que le projet de “Day One” est né. “Day One”, son quatrième opus, est sans doute son album le  plus riche et le plus abouti, comme un immense besoin de reconstruction après la catastrophe et un grand soulagement. “En écrivant mes chansons, j’avais en tête une image: celle de quelqu’un de complètement abattu, à quatre pattes au bord de la route, mais animé d’une rage de vivre démentielle. Je voulais que l’atmosphère de l’album s’en ressente, qu’elle soit particulièrement vive et brutale, comme l’éveil de quelque chose après beaucoup de chagrin et de destruction..” Réfugiée dans une cabane en rondins, près d’Ottawa, à quatre heures de route de sa ville natale, Sarah Slean a donc passé ses journées seule, à réfléchir, peindre et composer. “Et tous les matins, j’allais chercher de l’eau avec mon petit bidon, explique t-elle. Un exercice que je recommande à tout le monde.”

De retour en ville, elle a contacté les producteurs Pete Prilesnik (Sarah Harmer) et Dan Kurtz (du groupe de live house The New Deal), pour doper en programmations ses remarquables et complexes mélodies. “Car en écoutant dans ma cabane mes artistes préférés - Radiohead, Björk, PJ Harvey - j’ai compris ce que j’aimais dans leur musique: la structure rythmique.”. La révélation lui est même venue en sautant partout sur une musique si forte qu’elle faisait trembler les murs. “Je me suis dit: l’harmonie, je maîtrise. J’ai étudié tout ça. Mais c’est le rythme que je ne comprend pas. Pete et Dan, eux, l’ont parfaitement intégré.”

Après cinq mois d’enregistrement, le résultat est au-dessus de ses espérances: telle un Jedi de la pop, Sarah Slean a parfaitement assimilé les leçons rythmiques et joué avec la palette de toutes ses émotions. De l’humeur mi-figue mi-raisin de “Pilgrim” à l’atmosphère cabaret très noire de “The Score”, en passant par l’étonnante ambiance de ballade de “California” ou le titre pop up tempo “Day one”, l’album, co-produit par elle-même, passe par tous les états et toutes les sensations. Une vraie renaissance, à laquelle d’autres artistes ont participé: Howie Beck, qui a collaboré à “Vertigo”, et Ian D’Sa, guitariste de Billy Talent, qui joue sur le premier single, “Lucky me”. “Il nous fallait un timbre de guitare vraiment agressif, avoue t-elle. Ian est arrivé et a tout explosé.” “Day one” ou le jour numéro un dans la nouvelle vie de Sarah Slean: plus pêchue, plus vraie, plus positive. “Idéaliste aussi, dit-elle. Mais l’idéalisme a toujours été notre seul salut.”

Copyright Warner - Crédits Photos : R.Corlouer / D.Rabin - Sources : Attitude Net