Ulysse

"Ulysse", tel que dans le dictionnaire: "il est surtout connu par son esprit ingénieux, voire retors", et "son retour à Ithaque fut une errance", voici donc un groupe qui porte bien son nom.

Ulysse nous narre donc des petits fragments de cette errance dualiste, de Laure Silfest, apparue le 12 avril 1983 dans une campagne non loin de la capitale, qu'elle met 18 ans à rejoindre, et de Hugo Coulais. En attendant de se narrer musicalement, Laure grandit, solitaire, et se réfugie dans son monde sur des airs de Björk et de Cure, ponctué d'apartés réalistes de solfège et autres cours de flûte traversière, pendant qu'Hugo, créé un certain 25 octobre 1984 sur les plans d'un père musicien, suit les migrations familiales entre Paris et la Corse, où, solitaire à l'instar de sa future comparse, il s'évade en s'enfermant dans les salles obscures. Tout en baignant dans des sonorités portisheadiennes et king crimsoniennes, Hugo, après le visionnage d'un film de Roméro, aime alors à tendre une oreille curieuse vers les atmosphères musicales si particulières créées par son père. Et c'est tout naturellement qu'il se met à chanter (on notera tout de même que, bien que n'ayant rien fait de répréhensible, il passe quelques années au violon). Sa voix prépubère est audible, entre autres, dans la bande originale du film "Microcosmos", mais peu après, les affres hormonales faisant leur besogne, c'est le silence radio...

Et c'est à cette époque, et non quelques siècles avant JC, qu'est né le mythe d'Ulysse... Un jour, quand il était petit, alors qu'il n'était pas grand (il se tenait bien dans la rue vis-à-vis des passants, mais cela n'a rien à voir) Hugo voit sa mère enceinte lui annoncer l'arrivée imminente d'un dénommé Ulysse censé lui tenir lieu de cadet... Et c'est donc depuis la naissance de son petit frère Louis, qu'Hugo attend Ulysse, et comme il n'est pas du genre à faire dans la tapisserie, il fait de la musique...

La naissance d'Ulysse est une autre histoire, et comme pour toute naissance, cela commence par une rencontre... qui a lieu sur les bancs des cours de Mr Pierre Pachet. En effet, à cette époque, ledit Hugo et la susnommée Laure usent concomitamment leurs souliers dans les couloirs de la faculté de lettres modernes.

Se recroisant aux cours de théâtre, ils prennent la décision d'aller boire un verre, un jour de printemps, vers l'Odéon, et d'avoir alors l'idée de faire un groupe. Ce qui fut fait. Rapidement, ils composent une vingtaine de chansons, en anglais tout d'abord, le style musical s'y prêtant, puis ils décident de se risquer à des textes en français, sans détours, des mots, durs, violents, et sans diplomatie, s'adressant souvent à un absent, dialogues à une voix qui n'attendent pas de réponse. Textes qui nous parviennent au son de la voix d'Hugo, brute, sinon brutale, sans effet sonore, crue, voire cruelle. La recherche de sonorités particulières s'effectuant sur les divers instruments, objets et jouets qui les entourent, Laure et Hugo travaillent principalement sur la basse (qui s'en trouve très présente) et la voix. Puis, sur cette ligne, les morceaux s'étoffent, au gré de rencontres auditives. De la même façon, Ulysse prend forme au gré des rencontres humaines, un premier titre enregistré en studio sera source de motivation, et fera entr'apercevoir ce que serait un éventuel album. Rencontres avec des musiciens, rencontre avec Slim Pezin, qui met son studio à leur disposition, rencontre avec Maxime Lefevre, ingénieur du son s'il en est un... Une première démo de 4 titres, une maison de disque se laisse naïvement séduire par leur mélopée et décide de les signer. Le mariage consommé, Ulysse sort son premier album, "Triste fin", un ensemble de chansons liées par une basse et une voix, démarrant sur des airs acoustiques pour se garer dans des méandres électroniques, le titre "Désheuré" est assez emblématique d'un ensemble qui semble tendre vers ce que l'on peut découvrir dans le morceau "Ma goûteuse"...

En bref, Hugo et Laure se sont bien trouvés, et si ce n'est un penchant commun pour les pains au chocolat qui les réunit, grand bien nous fasse que ce soit Euterpe, et en souhaitant longue vie à Ulysse, espérons qu'il ne prendra pas le même chemin que pour rentrer à Ithaque, et qu'il reviendra vite étonner nos oreilles...

Samuel HERICHE

Source : Naïve / N. Jouannau